Portrait de Paul G.

Paul G. dit « Pollux », soudeur à la fonderie et gréviste à l’occasion

« L’usine ? le boulot déjà ! Le boulot c’est la vie ! J’ai eu de la chance de bosser pour vivre »

Une table en bois et quelques chaises installées dans le jardin de l’ancien presbytère, sous un arbre et à quelques pas de l’église de St-Christine…
C’est dans ce cadre verdoyant que nous rencontrons Pollux, plutôt amusé par la situation de l’entretien.
Après l’obtention d’un CAP de serrurier au centre de St-Eloy-les-mines, il a travaillé successivement chez un serrurier, dans une entreprise de machines agricoles, et six années dans une fonderie. « Le travail de la ferraille, ça m’a toujours plu. Moi, je voulais pas rester avec les vaches ! »
En 1980, il est embauché à « un poste de production en tant que soudeur » dans la fonderie de l’usine des Ancizes. « L’avantage que l’on avait à cette époque, c’est qu’il y avait du boulot pour tout le monde » dit-il et répètera-t-il au cours de l’entretien. Le goût pour le travail de la ferraille et le fait qu’il n’ait jamais connu le chômage reviennent aussi régulièrement.
Fils d’une grande fratrie (6 frères et sœurs), il est le seul à avoir travaillé dans cette usine : un frère a repris l’exploitation familiale, un autre a travaillé chez Michelin …. Tant que ses parents étaient à la tête de l’exploitation agricole (35 bêtes), il les a aidés après son travail en 3/8 chez Aubert et Duval (entre 1969 et 1979). De même, il a exercé le métier de plombier. C’est donc toute une vie de travail qu’il met en valeur.
De manière éclatée, il rend compte du passage à l’usine : d’abord le trajet en car, puis, avant la prise du poste, la lecture du journal. Dans le service de la fonderie, il exerçait le métier de soudeur mais il ne décrit pas les gestes de son travail. Sans doute, l’expression « J’étais juste soudeur » aurait mérité des explications sur la perception de ce métier. Par contre, il évoque l’écriture à la main d’un rapport écrit sur le travail effectué dans la journée. Il aime souligner la « bonne ambiance » et « la bonne communication » avec les collègues ». Il précise aussi – et ce n’est pas toujours le cas – qu’il avait de bons rapports avec les ouvriers marocains qui travaillaient dans son service.
Tout repose sur des moments de convivialité tels que la pause casse-croute au réfectoire ou encore le moment passé au bistrot aux Ancizes en fin de semaine. Il a particulièrement apprécié le repas de fin d’année dans un des cafés-restaurant de St-Georges. Il considère que les tournois sportifs entre services, non dénués de concurrence, jouaient un rôle très important dans la sociabilité, notamment parce qu’ils se terminaient par un repas commun.
Sans être syndiqué, il avait confiance dans les discours des délégués syndicaux et participait aux mouvements de grève : « Je participais, bien obligé ! Il fallait se bouger mais c’est pas pour ça qu’on était trop payés… ». De manière implicite, il relate une forme d’occupation de l’atelier : « On était une bande de copains. Fallait pas que ça sorte, fallait pas que ça rentre ! » Plus loin, il évoque le « contexte fermé » de la grève en usine marqué par la présence des piquets de grève. Et surtout, il critique l’attitude d’ouvriers qui refusaient la grève ou qui, grévistes, s’arrangeaient pour ne pas être vus par la hiérarchie (« Certains faisaient la grève mais se cachaient »). Le terme « pagaille », utilisé à contre-emploi par rapport à l’ordre usinier, prête à sourire : « T’as toujours des têtes de cochons, toujours les mêmes qui viennent semer la pagaille ! Ils veulent pas faire grève. Ils sont bien contents, bien payés ! » dit-il avec ironie. Il est d’ailleurs porteur d’une certaine vision de l’ouvrier/individu qui doit « se bouger », autrement dit agir pour améliorer ses conditions de vie et, pour cela, s’affirmer et se montrer courageux. Une certaine éthique usinière transparaît expliquant aussi la dénonciation d’une jeunesse ouvrière peu combative ou d’une jeunesse refusant le dur travail à l’usine.
Bien qu’il ait parlé d’une bonne ambiance entre les collègues, il parle d’une détérioration des relations entre ouvriers et cadres. Selon lui, les années 1990 ont été marquées par un renforcement de l’autoritarisme, qui sans doute correspond à la mise en place de nouveaux modèle de management. A l’âge de la retraite, il a repris sa liberté de parole et n’hésite pas à remettre en cause l’attitude de cadres qu’il rencontre au hasard des fêtes communales mais ceux-ci lui répondent : « C’était moi le chef. Je faisais ce que je voulais ». En réalité, il leur reproche la lenteur de l’avancement dans le grade, rendant impossible l’augmentation du salaire.
A l’occasion de l’évocation d’un conflit long de trois semaines, il précise l’absence du grand patron alors que les négociations se déroulaient avec le Directeur de l’usine. Néanmoins, il est loin de remettre en cause la figure patronale : « Bon, ça été un bon patron, faut pas dire ! Il a monté une belle boîte et ça tourne. Il nous a embauchés et nous a fait travailler ». Cette adhésion à l’usine et au patron sont d’ailleurs loin d’être singulières dans le monde ouvrier de l’usine Aubert et Duval.

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