Les Métallos et les risques au travail

Au fil des décennies, les risques au travail sont de mieux en mieux identifiés : L’inspection du travail et le CHS tirent les sonnettes d’alarme et veillent à l’application de la législation. La médecine du travail doit rendre des comptes. La direction de l’entreprise doit agir pour être dans les normes.  

Exposition à la pollution industrielle, au bruit et à la chaleur 

Dans les archives de l’inspection du travail, la première trace écrite de la pollution industrielle se situe en 1948. L’inspecteur du travail souligne le non-respect du Code du travail relatif à l’évacuation des fumées aux fours de l’aciérie et des forges ainsi qu’à l’étuvage des moules et à la confection des électrodes. Il rappelle aussi que quatre mois doivent s’écouler entre l’évacuation des fumées et le retour de l’ouvrier occupé au sablage. Celui-ci ne doit pas être en contact avec les poussières pour éviter le danger de la silicose.

Aucune autre trace écrite n’émerge avant 1985. A cette date, un membre du CHS alerte le directeur de l’entreprise de la pollution atmosphérique : « Il existe de nombreux postes de travail dans l’usine où le personnel est exposé aux poussières et il appartient à Monsieur le médecin du Travail d’en faire l’inventaire ». Il évoque notamment le bâtiment FR 8 « où le chantier lit de cendre, approvisionné de pouzzolane, est utilisé pour ensevelir les lingots afin qu’ils refroidissent, opérations qui dégagent des particules de poussières qui restent en suspension et qui peuvent être véhiculées par l’air à l’intérieur du bâtiment FR6. Ces poussières peuvent être qualifiées de mixtes, car les lingots, notamment refroidis déposent de la calamine : les effets irritants et toxiques de l’air inhalé jusqu’à l’appareil pulmonaire sont donc renforcés ».

Face à cette situation, il dénonce le choix de la protection individuelle en matière de sécurité et en profite pour décrire l’effort au travail : « Ce n’est pas un masque anti-toxique, qui ne laisserait pas passer la quantité d’air dont a besoin un homme quand il fait un effort, effort décuplé par la chaleur des lingots à enfouir, accru par la nécessité de manipuler plusieurs fois la pouzzolane par poste, aggravé par l’absence de fiabilité du bénoto (serrement des mâchoires défectueux), augmenté par les horaires de travail (poste du soir) qui pourrait positivement et durablement le problème évoqué ». Au contraire, il demande la mise en place d’un extracteur de poussière et demande « des prélèvements de poussières » dans le cadre de recherches sur le milieu du travail. Suite à ce courrier, l’inspecteur du travail, jouant le rôle d’intermédiaire, rappelle au président du CHS les dernières dispositions réglementaires relatives à l’aération et à l’assainissement des locaux fermés à la Direction (décret n °84-1093 du 7 décembre 1984 paru au journal officiel du 8 décembre 1984 et applicables à partir du 1ier décembre 1986). Il lui demande par retour de courrier de lui faire connaître les mesures prévues à cet effet. Ainsi, le 8 juillet 1985, le président du CHS récapitule  les mesures prises : la transmission de l’information au service Forge qui devrait formuler des réponses ; la construction d’un nouveau four à sole mobile permettant de réduire le volume des produits mis en lit de cendre ; l’utilisation d’un caisson de refroidissement pour éviter la mise en lit de cendres de petits produits ; l’étude de programmation afin de regrouper au maximum les mises en lit de cendre ; la recherche d’un produit isolant en remplacement de la pouzzolane.

En 1987, le CHS a lancé une campagne de sensibilisation au bruit. Une décennie plus tard, le bilan social de 1996 traite des conditions physiques de travail : il identifie 668 personnes exposées de façon habituelle et régulière à plus de 85 décibels à leur poste de travail. Il révèle aussi que 95 personnes sont exposées à la chaleur au sens de la définition contenue dans le décret du 10 mai 1976.

En décembre 1999 : l’entreprise doit remettre un dossier pour obtenir de la Préfecture un arrêté unique d’autorisation d’exploitation du site des Ancizes au regard de la réglementation des installations classées par la protection de l’environnement (avec prise en compte des aspects, bruits, rejet de poussière, rejet aqueux, danger foudre, déchets). A l’orée des années 2000, le bilan sur les conditions physiques de travail met l’accent sur trois problèmes récurrents :  l’exposition au bruit, à la chaleur et à des produits toxiques.

Une campagne de sensibilisation à l’alcoolisme 

En 1987, une campagne de sensibilisation à l’alcoolisme a été entreprise à la suite d’une enquête montrant des effets négatifs sur la santé des travailleurs. Le CHSCT a donc créé un groupe Acier Sobriété dont l’objectif est de sensibiliser « tout le personnel de l’entreprise pour une prise de conscience collective ». Il a suivi une formation initiale de cinq jours, organisée par le centre d’hygiène alimentaire de Clermont, puis a pris son autonomie. Il se doit d’informer pour « éviter qu’une personne indemne ne devienne un buveur excessif et qu’un buveur excessif ne devienne un malade alcoolique avec son cortège de souffrances physiques et psychiques, de difficultés familiales et professionnelles ». Il entend suivre les modalités discursives suivantes : « Ne pas adopter un discours moralisateur ; Apporter une information claire et objective sur les dangers de l’alcool ; Lutter contre les idées fausses concernant l’alcool ; S’adresser à tout le personnel de l’entreprise ; Aider les buveurs excessifs à prendre conscience de leur situation ».

A la suite d’une réunion de réflexion, le groupe Acier Sobriété a conçu les actions suivantes : campagne d’affichage en lien avec le centre national d’information en alcoologie, création et diffusion d’un questionnaire à l’ensemble du personnel ; séance d’information (avec film portant témoignage d’une réalité quotidienne, discussions …).

Annoncée en 1986, préparée en 1987, cette campagne s’est déroulée en 1988.

Exposition aux maladies professionnelles

Au milieu des années 1990, la question des maladies professionnelles s’impose avec la médiatisation du « scandale de l’amiante » et l’émergence des victimes s’érigeant comme un contre-pouvoir face aux industriels. La Direction de l’usine Aubert et Duval prend de plus en plus en compte la dimension sanitaire comme l’y oblige la législation dans ce domaine. Ainsi, le bilan social de 1996 comporte dans ses annexes une déclaration de procédés de travail pouvant provoquer des maladies professionnelles : Travaux comportant la préparation, l’emploi, la manipulation ou l’exposition aux agents suivants : benzène, huiles minérales, fluor, mercure, rayon X et substances radioactives, dérivés hologènes des hydrocarbures, sélénium, produits allergisants, risques infectieux solvant ; Travaux exposant à la chaleur, poussière de silice, de fer, de métaux durs, poussières de bois et à un niveau de bruit supérieur à 85 décibels ou confrontés à un travail à genou.

Selon le bilan du comité d’établissement de 2004 comprenant une partie sur les conditions d’hygiène et de sécurité, le nombre de maladies professionnelles déclarées à la Sécurité sociale est en hausse entre 2002 et 2004. En effet, il est déclaré 87 cas liés à l’amiante, 3 affections périarticulaires et 1 affection rachis lombaire. Dans le procès-verbal du 29 juin 2005 du comité d’entreprise, à la suite du bilan d’activité du service médical pour l’année 2004, un représentant du personnel interpelle la Direction sur le problème de l’amiante :« la loi sur l’interdiction de l’amiante date de 1996 : qu’avez-vous fait comme désamiantage depuis cette date ? et pourquoi informer le personnel 8 ans plus tard ? ». Il cite le cas d’un salarié qui a 25 ans d’ancienneté dans l’entreprise, a respiré des fibres ou des poussières d’amiante et n’a pas été orienté vers un dépistage (notamment un examen par scanner).

Il pose également la question suivante : « Vous dénombrez 243 salariés ayant été exposés à la fibre tueuse : Qu’allez-vous faire pour ces salariés et qui sont-ils ? »

La Direction d’Aubert et Duval répond aux différents points soulevés. D’une part, elle a fait procéder à un diagnostic « amiante ». D’autre part, elle se défend en s’appuyant sur les interprétations des textes de 1978 par des médecins du travail de la sidérurgie. Ceux-ci ont en effet considéré que l’application de ces textes ne concernaient que les mines et carrières d’exploitation de l’amiante ainsi que les entreprises qui fabriquaient des produits amiantés dans lesquelles les expositions étaient particulièrement importantes. Les niveaux d’exposition dans la sidérurgie avaient été considérés par les médecins du travail comme peu susceptibles de provoquer des maladies. Elle se réfugie derrière les positionnements des médecins du travail mais reconnait que « le risque cancérigène avait été mal apprécié ». Elle mentionne également qu’ERAMET a prévu un scanner pour les employés de plus de trente ans de présence dans l’entreprise.

Comme à Clermont-Ferrand ou à ST-Eloy-les-mines, un Comité Amiante Prévenir et Réparer (CAPER) s’est donc constitué aux Ancizes et par ailleurs un lourd dossier sur l’amiante relatif aux travailleurs de l’usine Aubert et Duval existe dans les archives de l’Inspection du travail.

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