Jean-Yves C.

C’est en 1977 qu’il est nommé professeur d’EPS au collège des Ancizes. Originaire de l’Allier et issu de milieu ouvrier par son père, il découvre les Combrailles. Comme il le dira à la fin de l’entretien : « Mais, moi, je ne suis pas né là … Je suis toujours et encore une pièce rapportée. On le ressent tout le temps, plus ou moins … Il faudrait vraiment rencontrer des gens qui sont d’ici… ». Néanmoins, pour nous, il est un observateur intéressant de la vie aux Ancizes de la fin des années 1970 aux années 1980 : par le biais de son activité professionnelle, il est en effet au contact des enfants et des familles. Ce qui le frappe aux Ancizes, c’est l’emprise de l’usine sur la ville et le territoire : « Là-bas, l’usine c’est la vie ! Ils sont tous là pour ça à 98 % … il y avait 2000 ouvriers ». La singularité de la ville est remarquable : « C’est une drôle de ville car c’est pas une ville ! Un peu comme St-Eloy-les-mines … [plutôt]Un village qui a explosé ». Plus loin, dans l’entretien, il ajoutera : « Peu de commerces…Quelques épiceries… Une ville bizarre, peu de centre ville …Par contre, il y avait pas mal de restos et de bistrots ». A ce propos, il a en mémoire l’arrivée des cars : « C’était impressionnant le car qui s’arrêtait devant le café. Tout le monde descendait et buvait …Chez Aubert et Duval ça buvait beaucoup ! Du vin à 9, 5 degrés…mais avec les fours .. . [c’était compréhensible] C’était l’ordinaire ! Avec les bouteilles étoilées … C’était dans la tradition ouvrière et paysanne de boire … ». Au collège, la mixité de la communauté des enfants l’intéresse : ce sont des enfants de l’espace local, de la communauté portugaise et marocaine. En la comparant plus loin avec celle de St Gervais, il précisera sa pensée : « une communauté d’enfants issue du monde ouvrier, intéressante et vivante ». Par exemple, il a en tête l’image de jeunes adolescentes marocaines et françaises « qui se baladaient « bras dessus / bras dessous » en tout cas jusqu’à l’âge de 18 ans ». Il insiste sur l’absence de clans et sur la mixité des quartiers. Tous les ans, les élèves visitaient l’usine qui, selon ses propres termes, était « une « usine familiale » sur le modèle de Michelin ; c’était du patronat à l’ancienne ; une usine qui finançait les activités sportives et les places de cinéma ; l’usine faisait vivre tout le monde …Elle faisait vivre un « pays »… En 1991, alors qu’il habitait déjà St-Gervais, il obtient une mutation au collège de ce bourg. C’est l’occasion de présenter une autre communauté d’enfants inscrite dans un autre micro-espace. En effet, St-Gervais est situé entre St-Eloy les mines et les Ancizes : ainsi, dans les années 1950, les paysans allaient travailler soit aux mines soit à l’usine Aubert et Duval. Dans les deux cas, on leur disait : « Ah ! Tu as pu t’acheter un tracteur, toi ! ». Aller travailler leur rapportait de l’argent mais « ils n’avaient pas peur de faire deux journées en une ! Ils rentraient le soir et ils bossaient. Et puis, ils avaient 20 ou 30 ha …ils étaient pas gros ». Ainsi, il a pu observer cette double activité et la perception des Autres. Dans les années 1990, St-Gervais lui apparait comme un territoire enclavé, très à l’écart de Clermont. Au collège, les élèves ont moins d’ambition et veulent souvent reprendre la ferme de leurs parents. « C’était rural ! Vraiment rural ! C’était très paysan à ST-Gervais ». Il a pu observer des lignées de familles paysannes de père en fils. L’intérêt de l’entretien réside dans le regard qu’il porte sur les micro espaces des Combrailles. Or, sa perception opposée des deux espaces semble correspondre aux données historiques et géographiques recueillies. En outre, il commente le choix des personnes qu’il a suggéré de rencontrer. La diversité des profils est intéressante pour nous : l’un a été choisi parce que c’est un « personnage », un individu un peu atypique (re)connu pour ses talents de sculpteur et en même temps « il a souffert de l’usine » ; un autre appartient au monde des techniciens tandis qu’un troisième est un « ouvrier de base » ; enfin, il recommande telle personne qu’il considère comme une « mémoire » de l’espace : en effet, Principal du collège, il a été maire des Ancizes de 1971 à 2001.

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Un point de vue extérieur sur l’usine

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La fréquentation des cafés par les ouvriers

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Les interlocuteurs

Louis G.

Chef d'atelier à la fonderie et exploitant du cinéma La Viouze

Bernard L.

Ouvrier spécialisé à la fonderie

Etienne B.

Technicien au laboratoire-physique

Gérard S.

Ouvrier oxoleur-mécanicien à la forge

Marc R.

Technicien en maintenance au laminoir

Kabbour T.

Technicien au service de traitement thermique

Christian D.

Ingénieur de recherche

Camille C.

Chef d'atelier au laminoir

Michel B.

Ouvrier fondeur à l'aciérie

Pascal P.

Technicien en dépannage-maintenance

Gilles V.

Ouvrier en maintenance au service forge

Pascal G.

Technicien en dépannage-maintenance

Louis R.

Ex technicien en maintenance et maraîcher-apiculteur

Bernard G.

Ouvrier à l'atelier usinage

François M.

Agent de maîtrise au laboratoire Physique

François C.

Ouvrier-tourneur à l'atelier usinage

Paul G.

Ouvrier-soudeur à la fonderie

Centre d'Histoire "Espaces et Cultures"