Marc R.

Né à Riom en 1937, il fait ses études au lycée technique Amédée Gasquet à Clermont-Ferrand et obtient un Brevet industriel électro-mécanicien et un CAP de monteur-électricien. Dès lors, il est embauché par l’entreprise Aubert et Duval en recherche d’électricien. C’est en 1955 qu’il entre au service de la forge puis au laminoir qui correspond davantage à ses attentes dans la mesure où les activités sont plus techniques et variées. Il accepte d’autant plus ce poste que depuis 1953 son père avait repris la petite exploitation familiale à Chapdes-Beaufort au lieu-dit les Arbres, restée inculte depuis 1934 et qu’à partir de 1955 il avait été embauché au pointage. Malgré cette double activité, « son exploitation : c’était sa vie. Il était agriculteur dans l’âme » selon son fils qui, par contre, n’a jamais partagé cet attachement à la terre, préférant très jeune le monde de la technique. Au laminoir, il intervenait sur le « petit train de laminage » « pour remédier au problème le plus rapidement possible ». En effet, comme il l’affirme : « Un train qui s’arrête, ça fait 50 ouvriers à l’arrêt »…« Entre temps, on faisait de l’entretien des machines, des modifications des améliorations : le travail était très varié mais c’était pas de la production ». Il insiste sur le fait que « le travail pour les gens de la production était dur … ». A la forge, les ouvriers étaient confrontés « à de grosses masses d’acier, très chaudes et lourdes à manipuler » et « travaillaient dans la chaleur ». Au laminoir, « c’étaient des barres d’acier de 300/500 kg ou pour les petits trains 120/130 kg » : les travailleurs souffraient de la cadence et de la chaleur ; Ils travaillaient une demi-heure et avaient une demi-heure de repos ». Et comme il le dit : « S’ils donnaient ça, c’est que c’était utile ». Il porte en effet un regard critique sur les conditions de travail des « ouvriers à la production », beaucoup plus difficiles que pour lui. En outre, il bénéficiait d’une certaine indépendance, à laquelle il était très attaché : « On était relativement indépendants. On étaient nos petits maîtres » dit-il avec un sourire de satisfaction. Néanmoins, il dit avoir toujours su séparer le travail à l’usine et la vie familiale. Il semble donc qu’il ne parlait pas beaucoup de son travail en famille : ainsi peut-on expliquer que ses trois fils aient choisi le métier de l’enseignement comme leur mère, institutrice à Chapdes-Beaufort.

Spontanément, il évoque les mouvements sociaux et dit avoir participé à tous les mouvements de grève même si, toujours par souci d’indépendance et par crainte de l’enrôlement, il n’a jamais été syndiqué et n’a jamais appartenu à un parti politique ou à un groupe. Il cite le mouvement de 68 pendant lequel l’usine a été fermée pendant 15 jours/3 semaines. Il s’en rappelle d’autant plus que le matin il « allait à l’usine comme piquet de grève et puis l’après midi il allait se promener avec sa future femme, jeune institutrice en grève ». Parmi les acquis, il cite seulement la mensualisation. Il en profite aussi pour pointer certains retards de l’entreprise par rapport à la loi : l’organisation d’élections professionnelles pour constituer le comité d’entreprise. Selon lui, le mouvement de grève le plus important fut celui de 1974 : « ça été un mouvement vraiment parti de la base. C’est parti d’un atelier, la manutention pour l’obtention d’une « amélioration de salaires. Ça a fortement duré – 15 jours ou 3 semaines – pour 150 francs d’augmentation par moi pour TOUS et à l’époque ce n’était pas neutre ». En tant que maire de la commune de Chapdes-Beaufort, il avait été convoqué comme d’autres par « Monsieur Duval » pour qu’ils incitent les ouvriers à reprendre le travail. Mais, ils avaient tous répondu que « la réponse est en bas » désignant les salariés en grève. A la suite d’une question, il décrit les jours de foire aux abords de l’usine tous les quinze jours lorsque les ouvriers recevaient leur paie. Il confirme combien les produits étaient diversifiés – vêtements, chaussures – et il se souvient d’un oncle qui venait vendre son fromage de chèvre. Il se remémore également « les cars qui alimentaient l’usine en ouvriers » et « attendaient une heure avant de partir …pour que les gens aient le temps de faire leurs courses ». Pour lui, tout ceci a disparu avec la mensualisation et le compte chèque. En outre, progressivement à partir des années 1970, les gens ont pris leur voiture pour aller travailler. Confirmant l’existence de nombreux bistrots et de petits restaurants aux abords de l’usine, il en vient à expliquer l’importance de la population célibataire « venue d’ailleurs », la « population immigrée composée de Polonais, Algériens, Portugais et Marocains qui vivaient dans certains quartiers aux Ancizes et à St-Georges. A plusieurs reprises, il insiste sur l’importance de l’usine sur le territoire. Ainsi, « sur 30 maisons situées aux Arbres, 20 personnes par jour allaient travailler aux Ancizes et c’était pareil dans les villages avoisinants ». Plus loin, il souligne son rôle dans l’organisation des loisirs sportifs et culturels. Lui-même a fait partie de la chorale liée à « l’Harmonie ». Et à la fin de l’entretien, il affirme : « l’Usine ne serait pas là, il y aurait le quart des habitants ! ». Pour autant, dans les années 1960, les gens étaient souvent « ouvriers et paysans » : « Ils avaient 3 ou 4 vaches ET l’aciérie. Ils étaient bien financièrement, bien à l’aise …[par contre], il y avait du travail ! ». Autrement dit, ils faisaient une « double journée ». Il tient à dire qu’il appréciait Jean Duval : « le Patron dans le vieux sens du terme du XIXe siècle » sans pour autant être paternaliste à la manière de Michelin. Pour lui, « c’était une entreprise familiale jusqu’en 1980 et Jean Duval avait une vision saine de l’économie ». Néanmoins, s’il a une vision positive de l’usine, il n’hésite pas à dire que l’espace résidentiel était segmenté : d’un côté les ouvriers, de l’autre les cadres. Il évoque également « le car qui descendait à Clermont pour que ces dames, les épouses des ingénieurs, descendent à Clermont pour faire leur shopping » et ajoute avec un mouvement de main très net : « Non, c’était bien séparé ! ». Il a quitté l’usine en 1992 à l’âge de 55 ans au moment où l’entreprise a procédé à une vaste « compression de personnel ». Il est donc parti en pré-retraite, et tient à préciser qu’il a été payé par les assurances chômage jusqu’à l’âge de 60 ans. D’emblée, il fut d’accord car il était encore en forme et voulait en profiter. Né à Riom, revenu un peu à contre-cœur dans les Combrailles en 1953 alors qu’il n’avait pas terminé ses études, précisant qu’il n’était pas attaché à la terre comme son père, il finit par concéder sa relation personnelle aux Combrailles en déclarant : « J’ai toute mon ascendance qui est ici …à 10 kilomètres à la ronde. Avec mon épouse, on a fait un arbre généalogique et on remonte au moins jusqu’à Henri IV »

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Les interlocuteurs

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Chef d'atelier à la fonderie et exploitant du cinéma La Viouze

Bernard L.

Ouvrier spécialisé à la fonderie

Etienne B.

Technicien au laboratoire-physique

Gérard S.

Ouvrier oxoleur-mécanicien à la forge

Jean-Yves C.

Professeur d'EPS aux Ancizes et à Saint Gervais d'Auvergne

Kabbour T.

Technicien au service de traitement thermique

Christian D.

Ingénieur de recherche

Camille C.

Chef d'atelier au laminoir

Michel B.

Ouvrier fondeur à l'aciérie

Pascal P.

Technicien en dépannage-maintenance

Gilles V.

Ouvrier en maintenance au service forge

Pascal G.

Technicien en dépannage-maintenance

Louis R.

Ex technicien en maintenance et maraîcher-apiculteur

Bernard G.

Ouvrier à l'atelier usinage

François M.

Agent de maîtrise au laboratoire Physique

François C.

Ouvrier-tourneur à l'atelier usinage

Paul G.

Ouvrier-soudeur à la fonderie

Centre d'Histoire "Espaces et Cultures"